LES FEMMES DE MARINS

  LE DOUX POMPON PORTE BONHEUR

   L'ECOLE DES MOUSSES

LE SAC A BORD

MON PREMIER JOUR D'EMBARQUEMENT

  BIDEL ET PEAU DE BOUC

   LES MENUS DE KERMOCO

 VIVE LA QUILLE !

ALERTE SONAR !

 CORNE DE BRUME

KENAVO, YANNIG L’ABSENT
LA "BORDEE" AU MOUILLAGE

LA BIERE DU MATAF

LA PETITE SIRÈNE DE COPENHAGUE  
       

 

  

 

   

  

     

LES FEMMES DE MARINS
Leurs cœurs cheminent sur les flots

D’un océan de solitude ;

Contre les vents de lassitude

Seuls leurs enfants sont des îlots …

 

Le soir venu,les volets clos,

Dans le lit de l’inquiétude

Leurs cœurs cheminent sur les flots

D’un océan de solitude .

Ne pensez pas voir des sanglots

Bouleverser fière attitude :

Chacune a pris cette habitude :

Pour retrouver les matelots

Leurs cœurs cheminent sur les flots.

 

 

Le doux pompon porte-bonheur
Le doux pompon porte-bonheur

ballade

Assure toi bel avenir

Me conseilla chère famille.

Il me fallut en convenir:

Marin d’état le pauvre habille.

Je roulais encore la bille

Lorsque l’adjudant recruteur

Me proposa (façon gentille)

Le doux pompon porte-bonheur.

Alors survint sans prévenir

La blanche guêtre à la cheville .

Le ras le bol dut contenir

Le singe riz,farce lentille.


Quand tout le jour gradé houspille,

Répand la crainte et la terreur ;

On le voudrait forme de quille

Le doux pompon porte-bonheur !

Ce dur début ne sut ternir

Le temps passé dans la flottille,

Seul le champagne peut bénir

Le tir précis de la torpille !

Puis vint l’escale de Manille,

Madagascar, Stockolm, Honfleur .

Il vit sombrer plus d’une fille,

Le doux pompon porte-bonheur :

ENVOI

Frère ! À présent le galon brille

Prés de mon sabre (ultime honneur)

Mais j’ai pendu sous la charmille

Le doux pompon porte-bonheur !

 
L'ECOLE DES MOUSSES 
 

ballade

 

Deux cents mousses,le cœur content

Débutaient leur apprentissage

De fier marin, de combattant.
Ils rêvaient tous d’un grand voyage…

« Valeur,honneur,force et courage »

leurs avaient dit les frégatons .

Le jour tragique où l’on s’engage,

Je ne comptais que des moutons.

 

 

En défilant tambour-battant

A nos couleurs rendions hommage.

Le garde à vous, c’est important

Fallait donner la belle image.


« Les ramollis du décrassage,

Gagnent gratis : deux pelotons ! »

Chacun reçu bien le message,

Je ne comptais que des moutons !

 


Le foyer si réconfortant

Nous vit subir le bizutage ;

Un geste atroce,révoltant.
Les anciens respectaient l’usage…

Mon bonnet perdit pucelage

Par un gaillard plein de boutons.


Au moment de venger l’outrage

Je ne comptais que des moutons .

ENVOI

Bleu ! Le temps soude un arrimage

De gars du nord, corses, bretons.


J’étais comme eux...dans cette cage,

Je ne comptais que des moutons.

 
 " LE SAC A BORD "
         rondeau

 

   Le sac à bord, ma douce reine,

     Engendre joie ou parfois peine.

L’embarquement libérateur

Sauva plus d’un fier séducteur

Du vieux mari grosse bedaine.

 

Le moussaillon,le capitaine,

Au lendemain d’une fredaine

Jettent pour fuir l’accusateur

Le "sac à bord ";

 

Pourtant sur la mer souveraine

Foin du hasard de prétentaine!

Du pôle sud à l’équateur

Le sextant du navigateur

L’aide à garder mieux que sirène

" le sac à bord".

 

 

 

                                       MON PREMIER JOUR D'EMBARQUEMENT

Jargon marine nationale

 

 

Tout frais sorti des mousses de la Royale, bleu mais candidat breveté « D.E.A.S.M », j’embarquai sur le Montcalm-Océan, des bâtiments à couple,

 voisin du Jean BART. C’était «  la  Reine des quais » amarrée avec des aussières en béton !

J ‘avais pris un bon pied de pilote, plutôt même une jambe de bois, pour être sûr de monter la coupée avant les couleurs et lassemblée.

Celle-ci était encore vêtue de toiles de pudeurs pour un cocktail qui avait eu lieu la veille au poste des « bœufs » et aux carrés officiers conjointement (sale coup pour les coquerons !).

A l’affût près des « renards », un « sako »me mit le grappin dessus et me prit en charge. Il me montra d’abord le bureau des bras cassés où je devais me rendre par la suite pour prendre ma fiche d’embarquement,

puis me conduisit dans le poste des pontus où il m’indiqua mon bastingage et mon caisson, tout en me présentant au pistar.

Objet d’un petit creux «  je rodais (motif de punition) prés de la cambuse avec un air affamé » quand le commis, un Kermoco (donc un pays)

M’offrit un coup de Gwen ru ..». Pas mauvais, ton cambusard ! » à peine lui

avais-je dit cela que le roulis me prenant, je remontai en 4éme vitesse sur la passe avant tribord et j’appelai Raoul pardessus les filières, arrosant copieusement le jardin de l’officier en second.

Avarie de sourire ! La gueule de tangon du bidel m’apparut pour la première fois. Il était sur le spardeck en compagnie du six-pieds, surveillant le bon déroulement de la chambre pour les bouchons gras. Il tempêta : «  arrête de gerber,

tu vas attirer les Jean-Louis ! » La perspective de la peau de bouc et de voir ma permission de 48 heures avec des jumelles en bois, pour faire un tour de souillarde, me coupa net les remontées d’huiles.

C’était juré, foi de MATAF,

plus de bordée à Chicago la veille d’un embarquement !

 

 

 
BIDEL et peau de bouc 
La peau de bouc devient chagrin

Car le Bidel ne veut plus d’elle ;

La muse l’a pris d’un coup d’aile

Pour taquiner l’alexandrin ;

Grand branlebas sur le SUFREN

L’état major brûle chandelle ; 

« La peau de bouc devient chagrin

Car le Bidel ne veut plus d’elle... »

Cela s’étend comme un refrain :

Tous les bateaux prennent modèle!

Quand vieux fusco touche au quatrain

La peau de bouc devient chagrin.

 

Bidel: Capitaine d’armes chargé des punitions à bord.

Peau de bouc : cahier de punitions.

FUSCO:  fusilier marin

.

 
LES MENUS DE KERMOCO 
Beurre salé, huile d’olive,

De l’ail sèche sous la solive.

Produits bretons!plats provençaux !

Sont des menus paradoxaux .

Un goût corsé séduit la moule ?

Voici deux brins de farigoule.

De la bernique aux « violets »

L’iode coule en mon palais.

Crêpes froment, fougasse tendre,

Pastis, chouchen, que faut-il prendre ?

Nous attendons aÏoli  ?

Pâté-jambon, figatelli.

Nourri fenouille, ma toute belle ;

L’escargot farce ou suçarelle ?

Soupe au pistou cuit kig ha fars.

Le sac trempe jusqu’à mi-mars.

La bouillabaisse très surprise,

Voit nager la crevette grise.

Toi la FANNY de Lanninon,

Viens donc manger au cabanon !

NB: KIG HA FARS: jarret de porc et

farine ( seigle ou froment) cuits dans un sac

de toile dans de la soupe.

 
VIVE LA QUILLE ! 
Le père cent se meurt...son passé glorieux

vêtu d’un drap de deuil quitte à jamais les lieux.

Son sacrifice annonce une tendre ingénue,

Qui d’un brillant éclat va marquer sa venue.

« Vois l’homme impatient d’être ton héritier

Noircir le fil des jour sur le calendrier.

O quille tant chérie ardemment désirée,

Ta silhouette exquise est la plus adorée ! »

 

Certains hurlent son nom dans le cœur de la nuit,

Cherchent à la saisir...mais toujours elle fuit .

Au secret du hamac, le mousse la caresse

Envieux de l’ancien dont elle fut la maîtresse.

Lorsque enfin sonne l’heure heureuse des départs,

Pendue à chaque cou,traitée avec égards,

Cette reine éphémère illumine la fête

Sous un flot de champagne à la proche buvette !

 
ALERTE SONAR !
 

Le bâtiment s’endort sous un soleil ardent ;

Seul un léger roulis vient agiter la corde

de la cloche muette accrochée au grèment .
Plaintif le sonar hurle un long cri monocorde.

 

Le filet se resserre autour du sous-marin ;

Quand le radar détecte un regard métallique,

L’ennemi se démasque abandonnant l’écrin

Offert par imparable atout batythermique.


Perfide, une torpille agresse le convoi.

Le chasseur se dérobe après sa brève attaque,

Mais il doit à son tour des forts subir la loi ;

Rivé sur son écho, le « Rapide »le traque.

Le feu d’une roquette embrase le spardeck,$

Noircissant le « gris-pont » qui grésille et puis fume.

Sous le coup de bélier d’un nuage d’air sec,

Un projectile plonge auréolé d’écume .

Le TUM de sa voix grave évoque Mike-Oscar,

En novembre un beau soir dans la sierra-léone.

La « fête » s’illumine ensuite d’un phoscar,

L’exercice prend fin/. »crâne d’obus » , canonne !





 
CORNE DE BRUME
 

 

Au ballant d’une houle étendue et profonde

Le rapide escorteur s’incline en gémissant .

A l’horizon mobile apparaît OUESSANT

Sous le feu des éclairs de l’orage qui gronde.

Un rideau gris de brume à l’humeur vagabonde,

Déferle vaporeux;Soudain s’épaississant,

Il s’abat sur les eaux et son masque puissant

Dérobe toute vue aux marins de ce monde.

Des yeux brûlés de sel fixent l’opacité

Attentifs aux reliefs de cette immensité

Tandis que retentit le son bas de la corne .

La mort trame ses fils: le « perroquet » dehors

Un superbe trois mâts,fantastique licorne

Surgit à moins d’un mile écumant des sabords.

 


 
KENAVO, YANNIG
 

 

La veuve GUINAÊC essuie avec tendresse

D’un repli de sa robe un visage rougeaud.

(C’est le petit de YANN qui pleure sa détresse),

L’enfance réagit par un dernier sanglot.

Tous deux s’agenouillant sur la tombe glacée

Déposent sous la croix l’offrande d’une fleur.

Avant le dur départ,leur ultime pensée

Vers le cher disparu s’élève avec ferveur.

Pour la femme en grand deuil,la mer,perfide gueuse,

Se marie à la mort tirant son noir chalut .

Elle à pris son époux d’une lame rageuse,

Le fiston va partir ;juste après ce salut…

YANNIG, le cœur bien lourd, s’enfonce dans la lande.

Le caban sur l’épaule,il marche droit au port.
« Ne te retourne pas, mousse-pêcheur d’ISLANDE.

Pour nourrir la famille, un marin se doit fort ».

Ainsi, face au devoir, l’aîné se sacrifie,

Laissant l’adolescence au riche rejeton.
« Dame ! Le pain, le vin.. »Maigre philosophie ?

Quand l’estomac se creuse,à quoi nous sert PLATON ?!



 

 

 
L’ABSENT
 

Guirlandes au sapin,santons gui...cheminée :

Noël va revêtir un faste éblouissant.

Les enfants réunis dans un chœur ravissant

Rompent la solitude en notre maisonnée.

Pourtant le soir venu,ma « NINE » un peu gênée,

A dressé le couvert sans oublier « L’ABSENT » .
Chacun de nous devine à ce geste innocent

Le vœu qu’elle formule au terme de l’année.

Elle songe au fiston tout là-bas sur les flots.

Le meilleur (à ses yeux) d’entre les matelots

Ne peut-il débarquer pour embrasser sa mère ?

Le chien soudain se dresse et gémit prés du seuil.
« L’ULYSSE » est de retour, il remercie « HOMÈRE ! »

J’ouvre grande la porte. « Entre toi mon orgueil ! »

 
LA "BORDEE" AU MOUILLAGE
Les jours de mer sont longs quand sévit le mistral.

Même les officiers rivés à leurs lorgnettes

Chantonnent de revoir la rade des Vignettes

Pour un mouillage sûr: « ordre de l’Amiral. »

Le canot « poussera »;branlebas général ;

Les malades debout referment les banettes,

Revêtent l’uniforme, ajustent les chaînettes,

Retrouvant les couleurs d’un excellent moral.

Sous les néons blafards « CHICAGO » se réveille

« Tant de sel donne soif ! Dépêche-toi MIREILLE ! »

Ce soir les matelots rêveront de tes yeux …

Les catins de service arpentent la venelle

Car le client s’annonce aux sons de ris joyeux,

Alors que du vieux port monte une ritournelle.

 

 

 

 

 Il est des soifs où

L’on boirait toute la RADE .

 

LA BIERE DU MATAF.

 

 

 

Hors du roulis, qui m’éclabousse ?

C’est les embruns de la GLABOUSSE !

Comme un bienfait monsieur MARIN,

Faites couler avec entrain

Sous un torrent de blanche MOUSSE

La fraîche blonde pour le mousse.

Le mécano pète un boulon !

Double TARTINE DE HOUBLON !

Son jeune arpète en barboteuse

Sifflerait bien une ROTEUSE ;

A peine sevré ce jeunot

Tète déjà fort du goulot.

( j’ai plus un rond, pour les TOTOCHES…)

Gare au patron ! ripons galoches !

 

LA PETITE SIRÈNE DE COPENHAGUE
 

La petite sirène apparaît languissante

Les genoux sur le roc, Face à l’immensité.


A l’homme qui contemple ainsi sa nudité

Elle oppose la mer, la vague caressante.

Le grand large l’appelle à chaque aube naissante…

Mais le devoir l’oblige à l’immobilité.

J’ai compris la voyant, la dure vérité:

Le bronze nous cachait l’enfant reconnaissante ;

Copenhague la tient car l’esprit d’ANDERSEN

Guide pour la façon le talent d’ERIKSEN.


Son respect filial en fait une martyre !

Ce jour-là,matelot,d’un réflexe amoureux,

Tu coiffas de « bachis » ses appas généreux ;

Dans un rai de soleil, j’entrevis son sourire...